« L'amiante est le paradigme du crime industriel parfait : on tue à retardement, les preuves disparaissent dans les poumons des victimes, et les responsables sont à la retraite quand les corps tombent. » — Henri Pézerat, toxicologue, Jussieu (1994) - Citation rapportée par ses proches collaborateurs (Le Monde, 2009 ; Rapport du Sénat, 2005)

Si le tabac révèle le mécanisme du pattern mortel, l'amiante en démontre l'amplification industrielle. Cette tragédie française met au jour comment la démocratie peut organiser sciemment la mort différée de dizaines de milliers de citoyens. Mais l'histoire complète, révélée par les archives désormais accessibles, est plus accablante encore : un siècle de déni, du premier rapport d'alerte en 1906 jusqu'aux morts qui continuent de s'accumuler en 2025.

Acte I : Un siècle d'alertes ignorées (1906-1965)

Les morts de Condé-sur-Noireau (1906)

L'histoire officielle de l'amiante commence généralement en 1965 avec la conférence de New York. Les archives révèlent une vérité plus dérangeante : dès 1906, Denis Auribault, inspecteur du travail à Caen, documente dans sa « Note sur l'hygiène et la sécurité des ouvriers dans les filatures et tissages d'amiante » la mort de 50 ouvriers en cinq ans dans une seule filature de Condé-sur-Noireau. Il écrit : « L'inobservation totale des règles de l'hygiène occasionna de nombreux décès dans le personnel. » Cette alerte, publiée au Bulletin de l'inspection du travail, restera lettre morte pendant 91 ans.

En 1930, le Dr Victor Dhers révèle dans « La Médecine du Travail » une information stupéfiante : « Depuis la fin de l'année 1910, les Compagnies d'Assurances-vies canadiennes et américaines avaient déjà pris l'habitude de refuser les travailleurs de l'amiante. » Les assureurs, ces calculateurs froids du risque, avaient quantifié la mort dès 1910. Dhers note avec amertume : « Il faudra attendre quinze ans les premières mesures en matière de réparation et 47 ans pour que certaines mesures de prévention soient prises. »

L'hécatombe silencieuse de la Marine nationale

Dans les arsenaux de Brest, Toulon, Cherbourg et Lorient, l'amiante tue en silence depuis des décennies. Les études récentes de l'INRS et de l'INSERM révèlent que le risque de développer une pathologie liée à l'amiante est 6,9 fois supérieur pour les personnels de la Défense. L'amiante était partout : isolation des salles des machines, protection incendie, calorifugeage des tuyauteries, joints d'étanchéité.

Pierre Kermarec*

mécanicien sur le porte-avions Clemenceau de 1975 à 1982

« On vivait dans un nuage permanent de fibres. Quand on refaisait l'isolation d'une turbine, la poussière blanche nous recouvrait de la tête aux pieds. On nous disait que c'était inoffensif, "de la neige artificielle" plaisantaient les gradés. »

Pierre mourra d'un mésothéliome en 2018, laissant une veuve et trois orphelins. Son cas n'est pas isolé : l'amiante naval a créé une génération de condamnés à mort différée.

*Les témoignages individuels marqués d'un astérisque sont des récits composites basés sur de multiples témoignages réels, utilisés pour protéger l'identité des victimes tout en illustrant des situations documentées.

La conférence de New York (1965) : le tournant ignoré

Lorsque le Dr Irving Selikoff présente ses données à la conférence internationale de New York en 1965, le doute n'est plus permis. Sur 632 ouvriers suivis, 45 morts de cancer du poumon et 12 de mésothéliome - des taux respectivement 7 et 300 fois supérieurs à la normale. Le mésothéliome, ce cancer rarissime de la plèvre, devient la signature mortelle de l'amiante, la preuve irréfutable du crime.

La France envoie des observateurs. Ils prennent des notes. Ils rédigent des rapports. Puis ils les classent. Pendant ce temps, à Aulnay-sous-Bois, l'usine Eternit tourne à plein régime. À Jussieu, on floque les plafonds de la nouvelle université avec de l'amiante projeté. À Saint-Gobain, on célèbre les propriétés "miraculeuses" du chrysotile dans les brochures commerciales.

Acte II : La fabrique du mensonge (1982-1997)

Le Comité Permanent Amiante : l'art de la capture réglementaire

En 1982, face à la pression scientifique croissante, l'industrie française de l'amiante crée son chef-d'œuvre de manipulation : le Comité Permanent Amiante (CPA). Cette structure, intégralement financée par les industriels à hauteur de 600 000 francs annuels, va pendant 13 ans paralyser toute action publique. Marcel Valtat, créateur du premier cabinet de lobbying français spécialisé dans les produits toxiques, en orchestre la stratégie avec une précision chirurgicale.

Les documents internes saisis en 1996 révèlent l'ampleur de la corruption institutionnelle. Le CPA compte dans ses rangs :

Ces hommes siègent simultanément au CPA financé par l'industrie et dans les commissions officielles censées réguler l'amiante. Le témoignage de Michel Parigot, militant anti-amiante, est glaçant : "Quand on appelait le numéro du ministère de la Santé pour s'informer sur l'amiante, on tombait sur le répondeur du CPA."

Les mécanismes de la corruption scientifique

Un mémorandum interne de 1985, révélé lors de l'instruction judiciaire, expose crûment la stratégie : maintenir la production le plus longtemps possible en gérant la "perception du risque" plutôt qu'en protégeant les travailleurs. Les calculs sont explicites : chaque année de production maintenue représente des milliards de francs. Les documents évoquent aussi des stratégies de délocalisation vers l'Afrique et l'Asie "quand la situation deviendra intenable en Europe."

Le système de corruption scientifique est sophistiqué. En 1994, le CPA verse 700 000 francs au cabinet Europaxis pour des opérations de lobbying à Bruxelles. Des pneumologues reconnus reçoivent des financements substantiels pour leurs recherches "indépendantes" minimisant les dangers du chrysotile (amiante blanc). L'un d'eux, cité anonymement dans le rapport de l'Assemblée nationale (2005), témoignera : "Nous savions ce qu'on attendait de nous. Les conclusions étaient écrites avant même de commencer les études."

Le Professeur Jean Bignon incarne cette schizophrénie institutionnelle. Dans une lettre à Raymond Barre en 1977, il écrit : "L'amiante est un cancérogène physique dont l'étendue des méfaits chez l'homme est actuellement bien connue." Pourtant, il participera activement au CPA jusqu'en 1995. Son mea culpa tardif en 1996 - "Je considère a posteriori que nous aurions dû collectivement nous opposer à la création du CPA" - sonne comme l'aveu d'une génération d'experts compromis.

Acte III : 100 000 morts programmées (1980-2030)

Les projections de l'hécatombe

L'ampleur du massacre annoncé dépasse l'entendement. L'équipe du professeur Marcel Goldberg à l'INSERM établit dès 1980 des projections terrifiantes : entre 50 000 et 100 000 décès attendus d'ici 2030. Le rapport sénatorial Dériot-Godefroy de 2005 affine ces chiffres : 35 000 morts entre 1965 et 1995, 65 000 à 100 000 entre 2005 et 2030. Au total, selon ces projections officielles, plus de 180 000 vies pourraient être fauchées sur un siècle - l'équivalent de la population de Reims rayée de la carte.

Le pic de mortalité, prévu entre 2020 et 2025, dévoile aujourd'hui ses effets dévastateurs. Selon Santé Publique France, on compte environ 1 100 nouveaux cas de mésothéliome par an. Les associations de victimes évoquent 1 600 décès annuels toutes pathologies confondues liées à l'amiante. L'incidence chez les femmes augmente significativement, signe d'expositions environnementales croissantes.

[Note : Les données sur l'interruption du Programme National de Surveillance du Mésothéliome et le doublement exact de l'incidence féminine nécessitent confirmation par sources officielles récentes]

Les visages derrière les chiffres

Le décompte macabre s'égrène au rythme de milliers de morts annuels. Jean-Pierre Leclerc*, docker à Dunkerque, mort à 58 ans après avoir déchargé des sacs d'amiante pendant vingt ans. « Je rentrais blanc comme un fantôme », racontait-il à sa femme. « On nous disait que c'était de la farine de roche, inoffensive. » Son agonie a duré 18 mois, étouffé lentement par ses propres poumons transformés en béton.

Marie-Claire Petit*, ouvrière textile à Condé-sur-Noireau - la même ville qu'en 1906 -, étouffée à 52 ans, laissant trois orphelins. Elle tissait des gants d'amiante, ces « gants magiques » qui résistaient au feu. « Maman toussait du blanc », se souvient sa fille aînée. « Les médecins disaient que c'était nerveux. » Le diagnostic de mésothéliome tombera six mois avant sa mort, 30 ans après son exposition.

L'impunité judiciaire organisée

Face à cette hécatombe, la justice française maintient une impunité stupéfiante. Tandis qu'en Italie, le procès de Turin aboutit à la condamnation de Stephan Schmidheiny à 18 ans de prison pour la gestion criminelle d'Eternit, avec 95 millions d'euros d'indemnisations, la France n'a produit aucune condamnation pénale majeure. Joseph Cuvelier, dirigeant d'Eternit France de 1971 à 1994, voit ses mises en examen annulées en 2011. Les responsables du CPA mis en examen en 2012 n'ont jamais été jugés.

Cette impunité contraste avec les condamnations civiles massives. Saint-Gobain fait face à 830 actions en reconnaissance de faute inexcusable depuis 1996. Les Chantiers de l'Atlantique comptent 1 500 ouvriers malades reconnus. Le FIVA (Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante) a versé 7,3 milliards d'euros depuis 2003 à plus de 110 000 victimes. Mais l'argent n'efface pas l'absence de justice pénale.

Acte IV : Jussieu, laboratoire de l'absurde (1964-1996)

Le campus de la mort programmée

L'université de Jussieu cristallise cette tragédie annoncée. Construite entre 1964 et 1972 comme vitrine de la modernité universitaire française, elle utilise massivement le flocage à l'amiante - une technique d'isolation par projection qui génère des nuages de fibres mortelles. Durant trente ans, 130 000 étudiants et 30 000 personnels seront exposés à des concentrations jusqu'à 1 000 fois supérieures aux normes actuelles.

Le professeur Henri Pézerat devient dès 1974 le Cassandre de cette catastrophe. Ses mesures documentent l'ampleur de la contamination : dans certains amphithéâtres, l'air contient jusqu'à 2 000 fibres par litre - un niveau d'exposition comparable à celui des mineurs d'amiante. Son rapport de 1975 conclut : "Nous transformons nos étudiants en cobayes d'une expérimentation criminelle grandeur nature."

La répression des lanceurs d'alerte

La réponse institutionnelle incarne l'aveuglement organisé. Pézerat voit ses crédits de recherche supprimés, son laboratoire déménagé dans des locaux insalubres. Un responsable universitaire lui déclare : "Vos alarmes nuisent à l'image de l'établissement. L'amiante est un faux problème monté en épingle."

Le comble du cynisme : la bibliothèque de médecine, où les étudiants consultaient les études sur la dangerosité de l'amiante, affichait elle-même des taux de contamination de 1 500 fibres/litre - transformant la quête du savoir médical en exposition mortelle. Les étudiants lisaient leur condamnation à mort tout en la respirant.

Le désamiantage ne commencera qu'en 1996, après vingt-deux ans de déni. Coût initial estimé : 183 millions d'euros. Coût final : 1,8 milliard d'euros - un décuplement qui révèle l'ampleur du mensonge initial. Des milliers d'anciens étudiants et personnels développeront des pathologies dans les décennies suivantes, victimes d'avoir étudié ou travaillé dans le "plus beau campus de France".

Acte V : L'exportation du crime (1997-2025)

La délocalisation de la mort

Ce scandale transcende les frontières. L'interdiction française de 1997 - dernière en Europe - n'empêche pas les entreprises hexagonales de perpétuer le crime à l'international. Eternit France, présent dans 23 pays, maintient sa production d'amiante-ciment au Brésil via la SAMA, exportant 300 000 tonnes par an dont 50% vers l'Asie et l'Afrique. Saint-Gobain collabore avec Eternit Suisse pour exploiter une des principales mines d'amiante brésiliennes.

La France continue même d'importer de l'amiante jusqu'en 2002, cinq ans après l'interdiction officielle : 35 000 tonnes en 1996, 200 tonnes en 1997, jusqu'aux dernières importations de 12 tonnes en 1999. Cette période de "transition" permet aux industriels de réorganiser leurs chaînes mortifères vers les marchés non régulés.

Le témoignage de Fatima

Fatima Benali*

étudiante en sciences politiques à Casablanca

« L'ironie est cruelle, » confie-t-elle. « J'étudie les relations Nord-Sud dans un bâtiment où le Nord nous a exporté son poison après l'avoir interdit chez lui. Quand la France bannissait l'amiante, les entreprises françaises la vendaient au Maghreb. C'est ça, la coopération ? Nous héritons de vos cancers avec vingt ans de retard. »

Cette exportation cynique est amplement documentée : selon le rapport sénatorial de 2005 et les données de l'ONG Ban Asbestos International, les entreprises françaises ont massivement délocalisé leurs productions mortifères après l'interdiction européenne. L'Afrique et l'Asie deviennent les nouveaux terrains de jeu d'un capitalisme mortifère qui transforme la mondialisation en vecteur de mort différée.

L'amiante révèle ainsi la dimension planétaire du pattern mortel : ce qui ne peut plus tuer au Nord est exporté pour tuer au Sud. Cette géopolitique de la mort programmée transforme les inégalités de développement en inégalités face à la mort industrielle. Le même schéma se reproduira avec les pesticides interdits en Europe mais massivement exportés, les médicaments retirés ici mais vendus là-bas, dans une spirale mortifère où la régulation nationale devient synonyme de délocalisation du crime.

Acte VI : Les mécanismes d'une tragédie systémique

Le pattern mortel à l'œuvre

Avec l'amiante, le pattern mortel devient indéfendable. Le crime n'est plus accidentel, il est planifié, documenté, rationalisé. Comme pour le tabac, on retrouve la même séquence mortifère :

  1. Consensus scientifique précoce (1906 pour l'amiante, encore plus tôt que le tabac)
  2. Manufacture du doute par l'industrie (le CPA, version française du Tobacco Institute)
  3. Capture des régulateurs (des ministères entiers sous influence)
  4. Sacrifice de dizaines de milliers de vies sur l'autel des intérêts économiques

Mais l'amiante apporte une dimension supplémentaire : l'exportation cynique du risque mortel vers les pays du Sud, transformant la mondialisation en vecteur de mort planétaire. Les mêmes entreprises qui désamiantaient leurs usines européennes installaient simultanément des unités de production en Inde, au Brésil, en Afrique.

L'état des lieux en 2025 : la catastrophe continue

Les chiffres actuels glacent le sang. Selon diverses estimations parlementaires et associatives, une part considérable de l'amiante présent dans les bâtiments français reste à traiter. Environ 20 millions de tonnes seraient encore disséminées sur le territoire. Le secteur du BTP concentre une proportion croissante des nouveaux cas de mésothéliome - les ouvriers du second œuvre payent le prix fort lors des rénovations.

[Note : Les proportions exactes du parc immobilier désamianté et la part du BTP dans les nouveaux cas nécessitent confirmation par sources officielles récentes]

Plus scandaleux encore : selon le FIVA, environ 35% des victimes de mésothéliome ne font pas valoir leurs droits à indemnisation. Des centaines de victimes par an meurent dans le silence et la pauvreté, ignorant leurs droits ou découragées par la complexité administrative. Le FIVA a versé 335,9 millions d'euros en 2023, en hausse de 27%, signe que l'épidémie s'accélère plutôt qu'elle ne ralentit.

La comparaison internationale accablante

Tandis que l'Australie investit 5 milliards d'euros dans un plan national de désamiantage, que le Royaume-Uni dispose de trois systèmes complémentaires d'indemnisation incluant les expositions environnementales, que le Canada ferme ses mines avec un plan de reconversion de 50 millions de dollars, la France maintient une approche minimaliste. Pire, en 1991, la France était le seul pays européen à s'opposer au projet d'interdiction initié par l'Allemagne, retardant de six ans l'interdiction européenne finale.

Aujourd'hui, 750 000 tonnes d'amiante sont encore produites annuellement en Russie, 250 000 tonnes au Kazakhstan. L'OMS estime à 100 000 le nombre de morts annuels dans le monde. La France, qui pourrait jouer un rôle leader dans l'interdiction mondiale, reste silencieuse, complice passive d'un génocide industriel planétaire.

Épilogue : Les leçons non apprises

Le pattern mortel ne se limite pas au tabac et à l'amiante. Du plomb dans l'essence qui empoisonnera des générations d'enfants aux pesticides qui transformeront nos campagnes en déserts biologiques, du sang contaminé au Mediator, la même mécanique implacable se répète. Les stratégies sont identiques : création de pseudo-controverses scientifiques, financement d'experts complaisants, capture des régulateurs, instrumentalisation du doute, dilution des responsabilités.

L'analyse révèle des défaillances structurelles : financement des agences par l'industrie régulée (plus de 50% du budget de l'ex-AFSSAPS), experts en conflit d'intérêts (62,4% déclarent des liens), portes tournantes entre régulateurs et régulés, amendes dérisoires (30 000 euros maximum pour fausse déclaration d'intérêts), impunité pénale systématique.

Face à ce système organisé de corruption institutionnelle, seule une rupture radicale peut briser le cycle : interdiction totale du financement privé de l'expertise publique, création d'actions de groupe sanitaires avec expertise indépendante, recours à des experts étrangers pour éviter les conflits nationaux, sanctions pénales réellement dissuasives incluant la responsabilité personnelle des dirigeants.

Sans ces réformes structurelles, le pattern mortifère continuera de se reproduire, transformant la France en laboratoire de l'impunité sanitaire industrielle. L'amiante n'est pas une tragédie du passé mais un crime qui continue : 1 600 morts cette année, 1 600 l'année prochaine, et ainsi de suite jusqu'en 2050 au moins. Chaque jour qui passe sans action radicale ajoute des noms à la liste des victimes d'un système qui a choisi le profit contre la vie, le mensonge contre la vérité, l'impunité contre la justice.

*Henri Pézerat est mort en 2009 d'un cancer. Certains y ont vu une cruelle ironie du sort. D'autres, la signature d'un système qui finit toujours par dévorer ses propres enfants, même ceux qui ont eu le courage de le dénoncer.*

CHIFFRES CLÉS - L'AMIANTE EN FRANCE

Chronologie du déni

Le bilan humain (sources : Rapport Sénat 2005, INSERM)

L'état des lieux actuel

Les coûts

L'impunité

GLOSSAIRE

AFSSAPS

Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé, devenue ANSM en 2012. Impliquée dans l'affaire du Mediator pour défaillances dans la surveillance.

Amiante blanc (chrysotile)

Forme d'amiante la plus utilisée (90%), que l'industrie a longtemps prétendue moins dangereuse que les autres formes. Cette distinction s'est révélée fausse.

Asbestose

Fibrose pulmonaire causée par l'inhalation de fibres d'amiante, reconnue dès les années 1920. Maladie professionnelle inscrite au tableau 30 depuis 1945.

Ban Asbestos International

ONG internationale militant pour l'interdiction mondiale de l'amiante, source de données sur les exportations et la production mondiale.

CPA (Comité Permanent Amiante)

Structure créée en 1982, financée par l'industrie de l'amiante (600 000 F/an), ayant réussi à retarder l'interdiction jusqu'en 1995. Dissous après le scandale.

Capture réglementaire

Processus par lequel une industrie prend le contrôle des instances censées la réguler, concept central dans les scandales sanitaires.

Faute inexcusable

Qualification juridique permettant aux victimes d'obtenir une indemnisation majorée quand l'employeur avait conscience du danger. Base des 830 condamnations de Saint-Gobain.

FIVA

Fonds d'Indemnisation des Victimes de l'Amiante, créé en 2001. A versé 7,3 milliards d'euros à plus de 110 000 victimes.

Flocage

Technique de projection d'amiante pour l'isolation thermique et phonique, massivement utilisée à Jussieu. Génère des nuages de fibres mortelles.

INRS

Institut National de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. Son directeur siégeait au CPA.

INSERM

Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale. A produit les projections de mortalité dès 1980 (équipe Goldberg).

Mésothéliome

Cancer de la plèvre (enveloppe du poumon) causé quasi-exclusivement par l'amiante. "Signature" de l'exposition, avec temps de latence de 20-40 ans.

Pattern mortel

Concept développé dans ce travail désignant la séquence récurrente : connaissance scientifique → déni organisé → capture réglementaire → catastrophe sanitaire.

Plèvre

Membrane entourant les poumons, siège du mésothéliome. Les fibres d'amiante s'y logent et provoquent le cancer des décennies plus tard.

Programme National de Surveillance du Mésothéliome (PNSM)

Dispositif de surveillance épidémiologique créé en 1998. Son interruption éventuelle en 2024 nécessite confirmation.

SAMA

Filiale brésilienne d'Eternit, a continué la production d'amiante après l'interdiction française, exportant 300 000 tonnes/an vers l'Asie et l'Afrique.

Subsidiarité cognitive

Principe selon lequel ceux qui vivent une situation ont une expertise d'usage devant peser dans les décisions les concernant.

Temps de latence

Période entre l'exposition à l'amiante et l'apparition de la maladie, généralement 20-40 ans. Explique le pic de mortalité actuel pour des expositions des années 1970-1990.

BIBLIOGRAPHIE

Sources primaires et rapports officiels

AURIBAULT, Denis (1906).
Note sur l'hygiène et la sécurité des ouvriers dans les filatures et tissages d'amiante
DHERS, Victor (1930).
La Médecine du Travail
Rapport DÉRIOT-GODEFROY (2005).
Le drame de l'amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l'avenir
Rapport de l'Assemblée nationale (2005).
Mission d'information sur les risques et les conséquences de l'exposition à l'amiante
Rapport DEBRÉ-EVEN (2011).
Évaluation et prévention des conflits d'intérêts des experts sanitaires

Études épidémiologiques et médicales

GOLDBERG, Marcel et al. (1980-2005).
Projections de mortalité liée à l'amiante en France
SELIKOFF, Irving J. (1965).
Asbestos exposure and neoplasia
Santé Publique France (2019).
Exposition à l'amiante et mésothéliome pleural. Retour sur 20 ans de surveillance
PÉZERAT, Henri (1975-2009).
Multiples publications et rapports sur la contamination de Jussieu

Ouvrages de référence

LENGLET, Roger (1996).
L'affaire de l'amiante
CHATEAURAYNAUD, Francis et TORNY, Didier (1999).
Les sombres précurseurs : une sociologie pragmatique de l'alerte et du risque
THÉBAUD-MONY, Annie (2007).
Travailler peut nuire gravement à votre santé
MALYE, François et VINCENT, Jérôme (1996).
Amiante : 100 000 morts à venir

Articles scientifiques et presse

Le Monde (2009).
Articles sur Henri Pézerat et ses combats contre l'amiante
Le Monde diplomatique (2000).
L'amiante, un scandale français exporté au Sud
Ban Asbestos International (2000-2024).
Rapports annuels sur la production et l'exportation mondiale d'amiante

Sources juridiques

Cour de cassation (2002-2024).
Jurisprudence sur la faute inexcusable en matière d'amiante
Tribunal de Turin (2012).
Jugement Eternit
FIVA (2003-2024).
Rapports d'activité annuels

Archives et documents internes

Archives du CPA (1982-1995).
Saisies lors de l'instruction judiciaire de 1996, citées dans les rapports parlementaires
Correspondance Bignon-Barre (1977).
Lettre du Pr. Jean Bignon à Raymond Barre reconnaissant la dangerosité de l'amiante
Documents Eternit France (1971-1997).
Cités dans diverses instructions judiciaires, non-lieux prononcés

Sources associatives

ANDEVA (Association Nationale de Défense des Victimes de l'Amiante).
Archives et témoignages depuis 1996
Collectif des victimes de Jussieu.
Documentation sur la contamination universitaire
Ban Asbestos France.
Données sur l'exportation et les victimes non indemnisées

Comparaisons internationales

Health and Safety Executive (UK).
Données sur le système britannique d'indemnisation
Safe Work Australia.
Plan national de désamiantage australien (5 milliards €)
Gouvernement du Canada.
Plan de reconversion des mines d'amiante (50 millions $)
Organisation Mondiale de la Santé (2018).
Élimination des maladies liées à l'amiante

Cet article s'inscrit dans la réflexion du projet Démocratie 3.0 qui propose une refondation des institutions démocratiques pour le XXIe siècle.

À propos de l'auteur : Augustin Moritz Kuentz explore les défaillances systémiques de nos démocraties et propose des solutions pour restaurer la confiance citoyenne.